dimanche 10 février 2013

Le fratricide de Savigné (1738)

Voici le récit d'une affaire criminelle qui me tient particulièrement à coeur. Je remercie particulièrement Alain et Gloria, qui m'ont épaulé dans cette aventure qui a duré un long moment, en espérant la poursuivre par d'autres chemins.


Nous sommes le 24 juillet 1738, dans la belle maison de Loing, à Savigné. Il est 10h30 du matin, on s’apprête donc à dîner dans la maison de Jean-Nicolas Buchey.

Ce jour-là, le propriétaire des lieux n’est pas là. Adrien Buchey, dit Longchamps, son plus jeune frère (tout juste reçu comme notaire royal au siège de Civray), qui vit avec lui dans la maison, reçoivent Nicolas, un autre frère, orfèvre, qui lui demeure chez le sieur Imbert, dans le bourg du village. La soupe est à peine posée sur la table qu’apparaît sur le perron Jean-Nicolas, qui débarque de la campagne.

Jean-Nicolas est passablement énervé, ou alcoolisé, voire les deux. Voyant la soupe et ne la trouvant pas à son goût, il s’adresse avec colère à Longchamps :
— Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas plus de légumes sur la soupe ?
Il suit son petit frère et, soudain enragé, affirme qu’il aime mieux la manger à l’oignon que sans herbes.
— Vous avez tort de vous fâcher contre moi à ce sujet car nous ne vous attendions pas, lui répond Adrien.
Tant bien que mal, ils dînent ensemble, mais, à peine un quart d’heure après avoir mangé, Jean-Nicolas recommence à s’emporter contre Adrien.
— Bougre d’animal ! s’exclame l’aîné, je te donnerai quelque chose que tu ne mangeras pas !
Malgré les apaisements de son frère, Jean-Nicolas s’empare d’un bâton et se met à le frapper d’un coup violent au ventre. Nicolas, resté finalement en retrait depuis le début du dîner, s’empresse de les séparer. Loin de se calmer, Jean-Nicolas s’acharne sur le malheureux Longchamps. Craignant que son emportement entraîne le pire, Nicolas entreprend de séparer les deux lutteurs. Ce faisant, l’aîné s’empare d’un fusil et continue à donner des coups dans l’estomac d’Adrien. Nicolas se jette sur son frère aîné et le force à s’asseoir sur un banc. Finalement, Jean-Nicolas finit par se calmer.
Adrien a décidé le matin même de se rendre au Chaffaud en compagnie de son frère Nicolas. Ce dernier lui répond, tout en s’adressant également à son aîné :
— Allons-y, mais attendons un moment que j’aille remettre un bouton de ma culotte, que vous êtes cause l’un et l’autre qu’il s’est décousu. Je m’en vais vers les coteaux qui sont près de la rivière, cependant que je recoudrai le bouton de ma culotte, vous n’aurez qu’à venir, allez.
— Je vais vous joindre dans l’instant, dit Adrien, après que j’aurais donné à manger à ma chienne.
Nicolas s’éloigne donc de la maison et prend la direction de la rivière en descendant le coteau. Assis dans l’herbe, il entreprend de recoudre le bouton de sa culotte.
Soudain, un coup de feu retentit. Tiens, pense-t-il, ses deux frères tirent à blanc. Mais la curiosité, mêlé probablement à un léger soupçon, le contraint à revenir sur ses pas. En arrivant dans la cour, devant la maison, il entend des cris de femme.

Jeanne Pressac a 15 ans. Elle est la fille des métayers des Buchey. Alors que ses parents, Pierre Pressac et Françoise Houillier, sont partis travailler dans les champs, accompagnés par leurs valets, elle garde son jeune frère à la maison.
Nous sommes le 24 juillet 1738, il est peu après midi. Elle entend du bruit dans l’habitation voisine, celle des maîtres, et, laissant son frère à la maison, sa curiosité l’incite à regarder ce qui l’intrigue tant : Jean-Nicolas Buchey et son jeune frère se bagarrent sur le perron ! Elle voit Adrien Buchey, attrapé "au collet" et malmené par des coups de bout de fusil dans l’estomac... et soudain, c’est le coup de feu !
Nicolas Buchey, revenu de la rivière, aperçoit la jeune fille qui hurle, complètement hystérique. Il lui demande d’où venait ce coup de feu, quand il voit le corps inerte de son frère aîné, Jean-Nicolas, baignant dans son sang, affalé la face contre terre près de la porte. Un fusil traîne sur le côté, et Longchamp, consterné et effondré, s’exclame avec force : "ah, que je suis malheureux, que ferais-je, ô mon dieu".
— Qu’est-ce que tu as fait, malheureux ?
Nicolas Buchey reçoit de son jeune frère des explications assez confuses.  Adrien, suite à ce drame, croit bon de devoir s’éloigner. Il monte sur une jument noire prise dans les écuries de la métairie, et disparut dans la campagne. Il sera aperçu par un couple de laboureurs, les Groussault, sur le chemin de Saint-Pierre vers une heure de l’après-midi. Nicolas va prévenir la sénéchaussée.



En tant que siège royal, Civray possédait alors une sénéchaussée, avéré depuis 1546, par un édit de François 1er de 1541. Chargé de faire régner l’ordre et la justice, cette juridiction était régie par le grand-sénéchal Jean-Henri Foucher, marquis de Circé [1]. Sous sa charge, la sénéchaussée était présidée par Jean-Baptiste Cacault, sieur de la Cotterie [2], et les enquêtes confiées au lieutenant général civil et criminel, son beau-frère, Jacques-Marie Fradin [3].
Pour le seconder, Fradin peut compter sur son lieutenant particulier civil, Olivier-Jean Maignan [4]. 
Justement, ce dernier est requis le jour même du crime par Louis Bricauld [5], avocat du roi, pour faire la lumière sur ce qui semble être un tragique mystère. Il doit se transporter au logis de Loing, avec un huissier et un chirurgien, pour la levée et visite du corps, accompagnés à sa demande par Gabriel Buchey, le frère procureur du défunt. A priori ignorant le coupable de ce crime odieux, Gabriel se doit de se rendre sur place pour "être informé contre ceux qui auraient commis le dit crime" (sic).

Outre le procureur Buchey, Maignan est accompagné de Jean-François Pascault [6], maître chirurgien et juré de la ville de Civray, de François Picquet [7], huissier, et de son fidèle greffier ordinaire, Me Surreau Varronières. Le maître chirurgien est par ailleurs un proche de la famille Buchey.
La troupe arrive au logis de Loing. Après s’être fait représenter par Gabriel Buchey, frère du feu maître des lieux, Maignan est conduit sur la scène du crime par Françoise Houllier, mère de la jeune Jeanne (depuis le drame, tous sont rentrés des champs). Par la cour du logis, il atteint une porte à barreaux, à travers laquelle il aperçoit le cadavre. En ouvrant l’huis, là, il découvre un corps, face contre terre, la tête dirigée vers la porte. Sa perruque est sur le côté, et le cadavre est tout habillé. Avant de s’intéresser au crime, Maignan examine rapidement les lieux et voit : deux fusils, tous deux déchargés, à côté du cadavre, une table renversée et deux chaises, ainsi que deux lits qui n’étaient pas faits (l’un au dit Buchey mort et l’autre au présumé coupable).
Levé par Jacques Alain et de François Cottereau, les valets des Pressac, le corps de Jean-Nicolas Buchey est posé sur la table. Après une fouille minutieuse, il est confié au bon soin du chirurgien.
Celui-ci examine le corps et trouve une plaie "dans le bas des mâchoires du côté droit qui pénètre toutes les mâchoires, lui montant dans le cerveau, qui lui a cassé et fracassé le crâne en entrant dans le dit cerveau" [sic]. Dans cette plaie, d’une largeur d’un écu de six livres, de gros plombs de carnage, avec la bourre, sont trouvés. Le chirurgien donnera les conclusions suivantes : "laquelle plaie m’a paru avoir été faite d’un coup de fusil, ce qui me fait juger que le dit coup lui a causé la mort" [sic]. Maignan, l’autopsie étant faite, autorise Gabriel Buchey à procéder à l’inhumation du corps. Le lieutenant criminel Pierre-Jacques Bourdier [8] est chargé de l’enquête.
L’inhumation de Jean-Nicolas se déroule le lendemain.
L’acte, pour le moins sibyllin, mais compréhensible au regard des évènements de la veille, peut être lu sur les registres paroissiaux de Savigné :

 Le vingt-cinq a été inhumé le sieur Jean Buchey, l’aîné de quatre frères, qui a été tué le 24
par le plus jeune d’entre eux, au village de Loing, dans la chambre où ils ont tous pris naissance (BMS 1735-1753, v. 22/143).
Nous sommes donc le 25 juillet. L’huissier-audiencier nommé pour l’affaire, François Picquet, convoque les témoins pour le lendemain : Pierre Pressac et sa femme François Houllier, leurs enfants Jeanne et Jean, ainsi que François Cottereau et Jacques Allain, leurs valets.
Le 26, la journée s’annonce chargée : dépositions des témoins, qui, hormis Jeanne Pressac elle-même (témoin oculaire) et son frère Jean (témoin auditif), diront tous ne rien savoir des dits faits que de ce que Jeanne Pressac leur a en appris, à peine rentrer des champs le soir du drame.
Encore choqué, Jeanne se contente de confirmer le témoignage de ses parents et de leurs valets. Son frère Jean, quand à lui, dépose n’avoir entendu que le coup de feu.
Deux témoins sont convoqués ce même jour pour être entendus le lendemain : André Groussault, dit Brandault, et son épouse Françoise Pelisson. En effet, laboureurs au Moulin Minot, ceux-ci ont aperçu l’accusé, Adrien Buchey, sur un chemin du côté de Saint-Pierre, une heure après-midi, le jour du drame.

Les officiers de l’instruction s’interrogent, puis finissent par prendre la décision de prise de corps à l’encontre d’Adrien Buchey le 29 juillet. Le lendemain, Nicolas Buchey, frère orfèvre, est entendu. C’est sa déposition qui permet de mieux connaître les faits, avant et après le drame.
Malgré l’assignation à comparaître lancée par Picquet à l’encontre d’Adrien Buchey, celui-ci demeure introuvable. Le 2 août, l’huissier, accompagné de Jean Desvignes et de Pierre Perrain l’aîné, cavaliers de la brigade de la maréchaussée de Civray, se rend  en personne à Loing prendre au corps Adrien Buchey, qu’il ne trouvera d’ailleurs pas. Il y rencontre une jeune fille, qui ne se fait pas connaître, et qui lui dit ne pas avoir vu l’accusé depuis un mois. Picquet, suivant son instruction, revient le lendemain et fait saisir les biens propres d’Adrien – y compris une métairie sise aux Pigeries, remis sous l’autorité de Paul Minot [10], marchand à Civray.
Adrien est toujours absent. Le défaut de présence est reconnu le 18 août, une nouvelle assignation est demandée le 2 septembre. De nouveau, un défaut de présence sera signé en date du 11 septembre. L’affaire piétine...




C’est au mois d’octobre qu’arrive à la sénéchaussée une drôle de lettre. Venant du plus haut de l’État, elle dit en substance : Louis par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir salut nous avons reçu l’humble supplication de Adrien Buchey dit Longchamps, du lieu de Loing, paroisse de Savigné, en Poitou, faisant profession de la religion catholique apostolique et romaine, contenant que le vingt quatre du mois de juillet dernier, alors qu’il était prêt de dîner avec sa mère et Nicolas Buchey son frère, qui était venu ledit voir Jean Nicolas Buchey, leur autre frère, qui demeurait avec eux, arriva de campagne au moment qu’ils allaient se mettre à table. La soupée ne fût plus tôt apportée que ledit Jean Nicolas Buchey entrepris avec injure le suppliant son frère cadet sur ce que la soupe n’était pas [...] comme il le souhaitait. Le suppliant crût l’apaiser en lui disant qu’on ne [...] mais il continua ses injures et ses menaces, qu’il recommença encore après le dîner. Et le suppliant ayant encore voulu l’apaiser, il prit un bâton et vint donner un coup dans l’estomac au suppliant. Ç’aurait été plus loin si Nicolas Buchey qui avait déjà fait des remontrances inutiles à son frère ne l’en eut empêché, mais Jean Nicolas Buchey courut prendre un fusil et revint sur le suppliant en lui en donnant des bourrades. Nicolas Buchey revient encore et crut être parvenu à l’apaiser. L’ayant obligé de s’asseoir d’un autre côté, il sortit en effet dans cette confiance. Et le suppliant se préparait à l’aller joindre pour aller se promener ensemble ainsi qu’ils se l’étaient proposés le matin et avait prit son fusil pour l’accompagner ensuite chez lui. Lorsque Jean Nicolas prenant [...] de la [...] de Nicolas Buchey vint de nouveau sur le suppliant à coups de bourrades de fusil en lui faisant ainsi faire le tour de la chambre, il le conduisit enfin jusqu’à la portée, où, soit des coups de pied qui lui donnait, soit des mouvements que le suppliant faisait en se débattant contre lui, son fusil lâcha et le coup atteignit ledit Jean Nicolas Buchey, qui tomba par terre et mourut presque sur le champ. Nicolas Buchey vint au bruit du coup qu’il avait entendu et le suppliant au désespoir lui ayant fait en se lamentant le récit de ce qui était arrivé, il crut devoir s’éloigner et ayant appris depuis qu’il avait été informé à la requête de notre procureur en la sénéchaussée de Civray, il nous a fait très humblement supplier de lui accorder nos lettres de grâce, pardon et rémission. Mes causes voulant préférentiellement miséricorde à la rigueur des lois, nous, audit Adrien Buchey de Longchamps, qu’elle remis et pardonné à notre grâce spéciale pleine puissance et autorité royale quittons remettons et pardonnons, par ces présents signer de notre main, le fait tels qu’il est ci dessus exposé avec toutes les peines, amendes corporelles criminelles,  solennellement, qu’il peut avoir pour raison de ce encourir en notre nom nous et justice mettons [...] jour de défaut de contumaces, sentences, jugement et arrêt et qui pourrait s’en être ensuivis le remettons et attestons en sa bonne renommée et en ses biens non d’ailleurs confisqués, satisfaction préalablement faite et la partie civile ci l’y échoit et ci faite [...] imposons sur ce silence perpétuel à nous procureurs généraux, leurs substituts présents et [...] à tous autres, ci donnons en mandement à notre sénéchal de Civray en Poitou ou son lieutenant général, agent tenant le siège royal audit lieu dans le ressort duquel le fait est arrivé [...] en ces présentes nos lettres de grâce pardon et rémission [...] faisant jouir avec le suppliant pleinement paisiblement et perpétuellement cessant et faisant cesser tous troubles et empêchement au contraire à la charge pour ledit Adrien Buchey dit Longchamps de se présenter par devant nous pour l’entérinement des présentes dans trois mois à peine de nullité car tel est notre plaisir et afin que ce soit choses fermes, stables, à toujours, nous avons fait mettre notre scel. Accordée, présentée, donné à Fontainebleau au mois d’octobre, l’an grâce mil sept cent trente huit de notre règne le vingt-quatrième [11].

Bref, notre disparu était pardonné pour son crime. Nous ignorons quand la lettre fut reçue. Finalement, au 9ème jour de décembre, Adrien se rend volontairement devant la prison de Civray, accueilli par le sieur Louis Vaillant, remplaçant de fait Guillaume Joyaux, le concierge.
Accompagné par ses avocats Pierre Dupuis et Louis Motheau, la lettre de rémission lui est lu et sa famille et ses avocats demandent instamment l’entérinement de la grâce. Adrien est cependant maintenu en détention.
Ainsi, le temps doit lui paraître long, à moins que la procédure ne soit étirée volontairement. Le 12, Lelong de la Fragnée demande l’entérinement de la grâce du Roi. Le 15, les témoins sont assignés à comparaître, et ils ont beaucoup bougé depuis le jour du drame. Les Pressac  et leurs valets vivent maintenant au bourg de Savigné et Groussault et sa femme sont au Courtiou, à Blanzay.
Le 16, alors que Françoise Houllier, femme de Pierre Pressac, et ses deux enfants Jean et Jeanne "gisaient au lit" (sic), Pascault se rend chez eux pour les médicamenter. Bourdier, chargé de récoler les témoignages, doit se rendre chez eux, et taxera le siège de 22 livres pour ce trajet.

Finalement, après un ultime interrogatoire, Adrien est libéré des geôles de Civray, et est condamné à verser 150 livres aux pères capucins de la ville, pour le repos de l’âme de son frère défunt.



Les témoins :

Pierre Pressac, laboureur à Loing, est né le 7 septembre 1692 à Charroux. Il épouse à Blanzay le 15 janvier 1720, Françoise Houllier, née vers 1698, qui lui donnera comme enfants (presque tous nés à Savigné) : Jeanne et Pierre en 1723, Jean en 1730 (baptisé Bonaventure à Saint-Romain), Françoise en 1735 et Louis en 1737. C’est probablement ce dernier que garde Jeanne le jour du drame.

François Cottereau, est né le 30 juillet 1709 à Savigné. Il est le fils de Jean Cottereau, boucher, et de Françoise Debenest. Il épousera Magdeleine Bourdin, à Savigné en 1744. Pour l’instant, en 1738, il est valet et domestique chez Pierre Pressac.

Jacques Allain, valet domestique de Pierre Pressac, a 33 ans lors de l’instruction. Il correspondrait bien au fils de Jean Allain et de Jeanne Rogeon, né à Savigné le 29 juin 1704.

André Groussault (écrit parfois Goursault) est né vers 1687 et est décédé le 2 octobre 1740 à Civray. Il est le mari de Françoise Pélisson, née en 1688, qu’il épouse le 3 juillet 1713 à Saint-Gaudent. Au moment des faits, il est laboureur au moulin Minot.



La famille Buchey :

Nicolas Buchey, le père de famille, est né vers 1665 et est inhumé le 28 octobre 1730 dans l’église de Saint-Romain (86). Ses parents, Adrien, sieur des Longchamps, et Élisabeth Guyot, se sont unis le 13 février 1662 à Montalembert (79), puis le couple part dans l’Eure d’où était probablement originaire l’épousé.
Adrien sera inhumé le 28 novembre 1698 à Notre-Dame-du-Hamel, et son épouse, quant à elle remariée par la suite à Élie de Bellemore, le suivra le 9 octobre 1707.

AD en ligne, Notre-Dame-du-Hamel, BMS - 1669-1726, v.282/524
Le couple a probablement trois autres enfants : Élisabeth, baptisée le 25 octobre 1675 à Notre-Dame-du-Hamel, Jean, sieur de la Mesangère, qui mourra le 4 décembre 1717, et Adrien, sieur des Nöes, qui s’éteint, lui, le 22 mai 1726, toujours au même lieu.
De ce dernier naîtra Louis George Buchey, conseiller du Roi, qui sera premier assesseur au bailliage de Notre-Dame-du-Hamel en 1734, puis lieutenant particulier civil et criminel au bailliage de Montreuil et Bernay en 1770. Il est qualifié de vicomte de Montreuil en 1734. Son fils, Adrien Georges Buchey (1736-1821), sera avocat au parlement de Paris (1766), maire de Bernay puis député d’Évreux du Tiers-État à l’Assemblée Constituante (1789/1791).

Extrait du cadastre de 1829
Nicolas, revenu dans le Poitou, donc, épouse Marie Blanchard le 6 juin 1700, à Savigné (86) où s’installent le couple : ils habitent à Loing au moins depuis cette date, Nicolas Buchey prenant également dans certains actes notariés le titre de sieur de Loing.
Loing est une grande bâtisse, dominant la Charente dans l’extérieur d’un méandre du fleuve. Longtemps isolé, cet ensemble de construction, à l’heure actuelle, finit par être relié au bourg de Savigné par l’ajout d’un lotissement fleurissant (village senior entre autres).
Le corps du logis proprement dit serait d’une construction plutôt récente (fin du 19ème à début du 20ème).
Les logements qu’occupaient alors les protagonistes du drame n’existent sans doute plus. Cependant, l’extrait du cadastre de 1829 peut donner une idée de la configuration au début du 19ème, voir peut-être du 18ème.
Ceci étant, Nicolas Buchey est greffier à la maréchaussée de Civray, et marchand à Savigné. Sa femme lui donnera les enfants suivants (entre autres) :
Jean-Nicolas, l’aîné, est né le 28 août 1703 à Savigné.

Marie-Anne est née le 3 décembre 1704 à Savigné. Elle passe un contrat de mariage le 26 octobre 1726 chez Me Pasquet avec Louis Guyot, sieur des Planches, avec lequel elle aura au moins 3 enfants, nés à Pliboux. Elle est veuve en 1730 : 15 juillet 1730, curatelle de ses enfants mineurs. Elle épouse, en secondes noces, le 16 février 1733 à Saint-Romain, Jean Dalençon, sieur du Pérat, fils de Sébastien Dalençon, juge à Nanteuil, avec qui elle aura au moins 2 autres enfants.

Pierre, né le 31 janvier 1706 à Savigné sera prêtre vicaire d’Alloue en 1738, puis prêtre de Saint-Clémentin,. Il est décédé le 4 octobre 1758 à Civray.

Gabriel, procureur au siège de Civray, est né le 10 décembre 1709 à Savigné et est mort le 26 décembre 1751 à Civray. Il fut l’époux le Marie Pèlerin (~1716/1790), avec laquelle il a eu au moins 7 enfants, dont (entre autres) : Marie-Henrie (1741-1804), épouse de Jacques Pierre Pontenier (1735-1814), Jean-Charles Gabriel (1748-1808), prêtre (il meurt à Loing le 2 juillet 1808, montrant que le domaine est resté dans cette famille au moins jusqu’à lui) et Marie-Julie (1750-1818), épouse de François Poitevin, sieur de Beaupré.

Nicolas, le frère orfèvre, est né le 8 septembre 1711 à Savigné (voir ci-dessous).

Et enfin Adrien, dit Longchamp, est né le 20 octobre 1712 à Savigné. Il fait ses preuves comme clerc chez Louis Motheau, procureur, puis chez Pierre Michellet, notaire, tous deux sur Civray, puis au présidial de Poitiers pendant plusieurs années. Il reçoit enfin la charge et l’office de notaire royal au siège royal de Civray le 18 mars 1738. Après une période relativement obscure, il conçoit François, né hors mariage de Jeanne Lucquiaud le 19 avril 1747 à la Chapelle-Bâton. Le couple se marie le 27 janvier 1754 à Savigné, et on peut leur trouver 6 autres enfants. Adrien décède le 25 septembre 1761 à Savigné.

Nicolas Buchey, l’orfèvre, semble être celui qui s’en est le mieux sorti. Peu de temps après le dénouement, qui a vu la grâce providentielle de son frère, il s’installe à Angoulême, paroisse Saint-André, où il épouse le 9 février 1739 Marie Biscuit, fille d’un marchand orfèvre de cette ville, et où il meurt le 27 juin 1777.
Le couple sera très fécond, et donnera le jour à pas moins de 11 enfants, et au moins 6 d’entre eux  (dont trois Pierre) atteindront l’âge adulte :

Marie-Magdeleine, née en 1740, épouse Pierre Loreau, avocat en la cour en 1761.

Pierre l’aîné. Né en 1744 à Angoulême, il achète la pharmacie de la veuve de M. Gorry en 1778 à Poitiers, que feu son mari avait eu le soin de prendre comme adjoint avant sa mort. Il est nommé par l’administration fournisseur des pauvres, le 28 mai de cette même année. Il s’agissait d’une place assez convoitée, qui donnait lieu à de nombreux avantages [12]. Pierre épouse Claire Radégonde Segris (~1751-1787), fils du marchand Jean Segris, qui lui donnera 8 enfants (l’un sera bijoutier à Paris). En l’an II, Buchey, connu pour ses opinions royalistes, cède la place à un révolutionnaire, pendant la Terreur, mais la reprend en l’an V [13]. Décédé en l’an XIII, l’un de ses fils prendra sa place.

Marie, née en 1747, épouse Jean Clavaud, négociant et ancien consul de la juridiction consulaire d’Angoulême.

Jeanne, née en 1752, épouse Louis David, notaire et procureur à Montbrun en 1771. L’un de leur fils, Pierre, marchand bijoutier, épousera en 1807, sa cousine issue de germain Françoise Poitevin, fille de Marie-Julie Buchey.

Pierre le cadet, né en 1754, marchand orfèvre et bijoutier, sera le voyageur. Époux de Marie Sazerac (~1763-1791), il quitte la France au moment de la révolution et rencontre, à New-York, Victoire Sire — qui se dit originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon mais en réalité née à Saint-Servant (56) vers 1779 — qui lui donnera au moins 3 enfants (tous décédés en région parisienne, l’un d’eux y sera étudiant en droit). Jean-Baptiste Buchey (1782-1849), fils du premier lit, restera à New-York et fondera la branche américaine.

Enfin Pierre le benjamin, né en 1756, sera pharmacien tout comme son frère. Époux de Marie-Jacquette Sazerac, il sera le père d’au moins 3 filles, dont la plus jeune, Marie, née en 1789 , sera l’épouse de François Martin. Le fils de ces derniers, Jean-Marie, ne voulant pas perdre le patronyme maternel, portera le nom de Martin-Buchey. Il est le père de Pierre Marie Jules Martin-Buchey, l’auteur de La géographie historique et communale de la Charente, ouvrage de trois volumes qu'il a écrit pendant la Première Guerre mondiale. Cet ouvrage couvre l'histoire et la géographie de la totalité des 426 communes de la Charente d'alors, avec une introduction sur l'histoire et la géographie du département [14].

La famille de Nicolas Buchey semble avoir eu quelques pouvoirs à Angoulême avant la Révolution Française. Ses fils et gendres occupaient des fonctions importantes, et bon nombre d’entre eux se retrouvaient dans la loge maçonnique de l’époque, l’Unité des coeurs, créée en décembre 1760 : ainsi, en 1778, le tableau de cette loge comprenait Clavaud l’aîné, alors négociant, Poitevin de Beaupré, bourgeois, Sazerac des Roches, négociant (père des soeurs Sazerac) ainsi que Pierre Buchey le cadet, orfèvre. Cette loge fut dissoute à la Révolution.



[1] Celui-ci, né en 1671 au château de Circé, sur l’actuelle commune de Sepvret (79), est le petit-fils de Jacques Foucher, 1er marquis de Circé, qui, en 1663, avait acquis ce château en érigeant la seigneurie de Plessis-Sénéchal en marquisat de Circé. Grand sénéchal aux comtés et sénéchaussées de Civray et de Saint-Maixent (79), cette charge échu à son fils, Abimeleche, 2ème marquis et baron de Mairé, en 1689. Enfin, son fils Jean-Henri fut reçu page du roi en la grande écurie en 1685 et prend la charge de la sénéchaussée au-delà de 1698, date à laquelle son père la tenait encore. Ses descendants ont vécu à Circé entre 1669 et 1739. Puis la propriété est saisie et vendue en 1753 au comte de Carvoisin, marquis de la Mothe-Saint-Héray. A partir de cette époque, elle devient une ferme de rapport. Elle reste dans cette famille jusqu'en 1886, date à laquelle elle est acquise par Gilbert, notaire à Lezay. Elle comprenait, outre le château et les terres qui en dépendaient, deux moulins à eau, une tuilerie avec un four-à-chaux, une métairie à Pié-Baché avant 1832, et les fermes du grand et du petit Pinier après la Révolution. De 1911 à 1912, cette propriété a été vendue par lots, soit quatre cultivateurs, dont l'un était le fermier, se sont rendus acquéreurs du domaine. Le château a été démoli et les matériaux en provenant ont été utilisés pour de nouvelles constructions. Source : Site Actuacity, section Sepvret.
[2] Fils de Philippe Cacault et de Catherine Micheau (~1642-1702), il était assesseur criminel et premier conseiller, en remplacement de son père, dès l’année 1705. Il est pourvu de l’office de président par lettres de provisions du 13 juillet 1721, après le décès de Charles Fradin (1651-1721), son beau-père, et résigna cette charge en faveur de son fils, Jean-Philippe Cacault (1712-1770), dont les provisions sont en date du 28 août 1740.
[3] Né le 6 février 1678 à Angoulême (16) et décédé le 31 décembre 1748 à Civray. Fils de Charles Fradin et de Anne-Jeanne de Guillaumeau, il fut l’époux de Marguerite Chantois de la Remonière, qu’il épousa le 5 février 1711 à Aix-sur-Vienne (87). Ses provisions, en date du 8 juin 1715, portent qu’il est «le sixième, de père en fils, successivement pourvu du même office ».
[4] 5ème enfant (sur 17) de Jean Maignan (~1647/1721), sieur des Salmondières (doyen des avocats en 1721), et de Jeanne Cartier (~1661-1732), Olivier-Jean Maignan est baptisé le 4 novembre 1686 à Civray. Il épouse le 20 mars 1711 Marthe Julie Dupuis, fille de Pierre Dupuis, lieutenant général criminel, commissaire, enquêteur, examinateur pour le criminel en 1711, et de Julie Rapaux. Juge magistrat et assesseur civil de 1712 à 1742, il hérite de cette fonction à la suite de son beau-père. Il meurt en 1742. Son fils Jean Olivier se démit de cette même fonction pour entrer dans les ordres et fut curé de Champniers (86) jusqu’en 1790.
[5] Conseiller du roi et avocat (1710-1749), inhumé le 21 juillet 1749 à Civray (BMS 1745-1750, v. 88) à l’âge de 84 ans. Il est le fils de Charles Bricault, sieur de Verneuil, et de Renée Marron. Il épouse, le 12 novembre 1710, à Civray (BMS 1706-1733, v.86) Anne Cacault, fille de Jacques Cacault et de Françoise Texereau. Il est reçu comme conseiller et avocat du Roi à Civray le 30 juillet 1704 et s’installe à Civray le 23 août 1704, puis est reçu comme avocat du Roi à la Police de Civray le 30 avril 1709.
[6] Né vers 1698, il est le fils de Jean Pascault, sieur de Senillé, et d’Andrée Piet. Il épouse, le 21 octobre 1717 à Civray, Marie Vaugelade, née vers 1695, qui décède le même jour que lui, à Civray le 11 février 1750. Jean-François Pascault est le beau-frère d’André Descats (voir noyade de Saint-Saviol, sur le site de Gloria).
[7] Huissier audiencier de 1716 à 1739. Il épouse par contrat du 8 octobre 1698, à Civray, Catherine Hervé, fille de Jean Hervé, avocat en parlement et au siège royal de Civray, et de Françoise Vaugelade.
[8] Pierre Jacques Bourdier (1700-1770), est le fils de Pierre Bourdier, avocat à Poitiers (en 1698) et juge et sénéchal de Charroux (en 1720), et de Marie Thorin. Il est l’époux de sa cousine éloignée Jeanne Bourdier (1705-1770), fille de Pierre Bourdier, juge à Rochemeau, et de Jeanne Minot (ces deux derniers sont ancêtres, entre autres, du général de Lattre de Tassigny). Pierre-Jacques Bourdier est conseiller du roi et lieutenant général criminel à Civray au moins à partir de 1736. Son fils, Jacques Bourdier, sieur de La Gorce (1741-1804), sera également conseiller du roi et lieutenant criminel de Civray, nommé le 18 mai 1768. Le 30 mai 1741, il fait l’objet d’un procès-verbal fait par Jean-Philippe Cacault, président et assesseur criminel au siège royal de Civray, contre lui, qui s'était emparé du siège de président que ledit Cacault disait lui être réservé (voir ci-dessus).
[10] Il s’agit probablement du fils d’Isaac Minot, marchand, et de Jacquette Cuisinier, qui passe un contrat de mariage avec Luce de la Ribardière, le 03 janvier 1715 à Civray devant Me Deschamps.
[11] La lettre de rémission est signée de Louis XV, d'Aguesseau et de Phelippeaux.
[12] Société des Antiquaires de l’Ouest, tome cinquième, Année 1911, p.497
[13] idem, p.567
[14] Wikipédia




Sources :
  • Archives départementales de la Vienne ;
  • Le groupe ge86 ;
  • L'aide des bénévoles du Fil d'Ariane, que je remercie grandement ;
  • Notes historiques sur la ville de Civray, Léon Faye, 1849 ;

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